L’Association des Communes Jumelées de Nouvelle-Aquitaine (ACJNA) cherche constamment à améliorer sa communication pour promouvoir les jumelages de la région. À cette fin, l’ACJNA lance la rubrique « Un mois, un jumelage » dans le but de donner de la visibilité, chaque mois, à un jumelage de Nouvelle-Aquitaine. Un article sera ainsi publié mensuellement sur le site Internet de l’ACJNA ainsi que sur ses réseaux sociaux et newsletters. Ce mois-ci nouveau rendez-vous avec le jumelage de CHABANAIS (16).


  • Pouvez-vous raconter l’origine de votre jumelage ?

Alain DAMY professeur de gymnastique au collège de Chabanais entrainait aussi l’équipe de football féminine. Lors d’un tournoi à Angoulême il a discuté avec les dirigeants de l’équipe de Hildesheim (ville allemande jumelée avec Angoulême)  sur la possibilité d’organiser une rencontre avec une équipe allemande. Ceux-ci l’ont mis en contact avec les dirigeants de l’équipe de la petite ville de Emmerke en Basse Saxe. C’est ainsi que le 28 septembre 1972 l’équipe de football féminine de Emmerke, quelques dirigeants et un représentant de la commune (en tout 25 personnes) sont accueillis à la gare de Limoges par Alain DAMY, les joueuses de Chabanais et quelques parents pour être hébergés dans les familles des joueuses.

Deux matchs de football, l’un à Chabanais, l’autre à Rochechouart, quelques discours officiels, visites et repas aux restaurants ont animé ces trois jours.

Pour les joueuses et accompagnateurs il n’était pas question de jumelage entre les deux villes, c’était simplement un moyen de jouer au football, faire la fête avec l’espoir de faire un match retour à Emmerke. Mais Arnold BEELTE, Maire de Emmerke voyait plus loin, il avait confié au représentant de la commune un courrier à remettre au Maire de Chabanais sur lequel il souhaitait que cette première rencontre en appelle d’autres.

Le 12 avril 1973 sous la conduite de Alain DAMY un groupe de 30 personnes descendent en gare de Emmerke. L’accueil très officiel surprend tous les arrivants, beaucoup de monde, fanfares, drapeaux, Maire, discours à n’en plus finir. Pas un français parle allemand, pas un allemand parle français et c’est l’arrivée de Joël ARN, citoyen suisse travaillant à Emmerke qui par ses traductions a permis d’entamer des conversations. Un courrier de Roger FROIN Maire de Chabanais est remis au Maire de Emmerke sur lequel il fait part de l’intérêt du Conseil Municipal pour la poursuite des échanges au-delà même des rencontres sportives.

L’année suivante Chabanais accueille l’équipe de football féminine, le Maire et une grande partie du Conseil Municipal de Emmerke.

La signature officielle d’un jumelage a été retardée car un regroupement de communes était en cours et Emmerke a été, comme 4 autres communes, englobé dans la nouvelle commune de Giesen. Ce n’est que le 29 mai 1976 à la Mairie de Chabanais qu’a été signé un PROTOCOLE D’AMITIÉ par Roger FROIN Maire de Chabanais et Arnold BEELTE devenu Maire de Giesen sous le parrainage de Monsieur BARRIERE Président du comité de jumelage de Saint-Junien et délégué de la Fédération Mondiale des Villes Jumelées.

Roger FROIN et André SOURY Maire de Pressignac et Conseiller général du canton de Chabanais ont très vite associés les 11 communes du canton (Chabanais, Chabrac, Chassenon, Chirac, Etagnac, Exideuil-sur-Vienne, La Péruse, Pressignac, Saint-Quentin-sur-Charente, Saulgond et Suris). C’est ainsi qu’en avril 1978 a été signé à Giesen un document confirmant le jumelage en présence de représentants de l’ensemble des communes du canton.

Juin 1977 premier échange de jeunes avec les professeurs d’allemand sous l’égide du collège. Cet échange a duré plusieurs années mais avec le désintérêt pour la langue allemande, le turnover des professeurs d’allemand le collège a abandonné l’accompagnement. Le comité de jumelage a aussitôt repris le flambeau pour que perdurent les échanges de jeunes à Giesen ou Chabanais.

En janvier 1988 à Strasbourg a eu lieu le premier week-end de travail des bureaux des deux comités à mi-chemin. La convivialité de ces réunions de travail en petit nombre ont permis de mieux se connaitre et ainsi d’aborder sereinement toutes sortes de sujets même les plus sensibles. Auparavant les finances par exemple ou les problèmes qu’il aurait pu y avoir lors d’une rencontre, il ne fallait pas en parler de peur de vexer l’autre. Ces réunions sont organisées à tour de rôle une année en France et la suivante en Allemagne. Même si aujourd’hui avec internet on pourrait se passer de ces réunions, nous les maintenons car les contacts directs simplifient bien les choses.

Ce jumelage a connu des hauts et des bas mais il est important de constater que depuis 1972 tous les ans, sans exception, il y a eu des rencontres entre des gens de Emmerke d’abord puis Giesen et de Chabanais en France ou en Allemagne.

Cette année les risques sanitaires nous ont obligé à annuler la rencontre des jeunes prévue en juillet à Chabanais et celle des adultes qui devait se dérouler en aout à Giesen. Mais il y a quand même eu les accompagnateurs des jeunes de Chabanais et de Giesen qui se sont retrouvés à Bruxelles pour fêter la nouvelle année et le 25 janvier Marianne ROCHE, responsable des jeunes de Chabanais était à l’Ambassade de France à Berlin pour défendre avec Julia KETTLER, son homologue de Giesen,  le dossier réalisé par les deux comités pour le Prix Joseph Rovan.

  • Quelles étaient vos attentes vis-à-vis du Jumelage ? Ont-elles été concrétisées ?

Le 10 juin 1944 c’était le massacre d’Oradour-sur-Glane situé à une trentaine de kilomètre de Chabanais. Le 1er août 1944 une forte colonne allemande voulait traverser la rivière « La Vienne » pour anéantir le maquis très actif dans le secteur. Ils ont été repoussés par les maquisards sur le pont  d’Exideuil-sur-Vienne et se sont alors dirigés sur Chabanais. Les maquisards ayant fait sauter le pont les allemands n’ont pas pu faire passer le matériel lourd mais guidés par des miliciens ils ont traversé la rivière à pied sur un gué et pillé, incendié et détruit une grande partie du bourg sur la rive gauche. Il y a eu des morts ainsi que des fermes incendiées aux alentours.

Même en 1972 le sentiment anti-allemand était bien ancré et il a fallu du courage aux élus et aux premiers membres pour officialiser et poursuivre les rencontres. La Présidente du comité a par exemple reçu un courrier anonyme disant qu’elle méritait être tondue …..

L’insouciance liée à la jeunesse et la chaleur de l’accueil de part et d’autre lors des premières rencontres ont fait tomber bien des barrières.

En octobre 2011 nous avons organisé la rencontre du groupe allemand avec l’ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants) du canton de Chabanais. Le montage fut difficile car les anciens combattants et résistants ne voulaient pas rencontrer les allemands et ceux-ci avaient très peur d’être pris pour cible, d’autant que c’était ouvert au public. Nous avions projeté les explications en français et allemand avec des photos de Chabanais avant et après les combats. Ce fut un choc pour beaucoup d’allemands qui connaissaient Oradour-sur-Glane mais peu l’histoire de Chabanais. Le débat a été de très haute tenue avec de nombreux échanges entre les participants. La réunion s’est terminée par la remise d’une gerbe aux couleurs des deux pays, portée par les Maires de Chabanais et de Giesen sur la stèle érigée en mémoire des résistants morts lors de ces combats.

Le comité de jumelage est très fier de la réussite de cette après-midi là.

Pour la première fois, le 1er août 2014 le groupe allemand a participé à la commémoration des combats de Chabanais. Cela aurait pu se faire plus tôt, parce que très souvent les allemands étaient à Chabanais au moment des commémorations ………  mais ce n’était pas encore l’heure.

Il a fallu longtemps pour atténuer cette plaie, mais maintenant la venue des allemands que ce soit les jeunes ou les adultes est un moment très bien accepté par l’ensemble de la population.

  • Avez-vous des anecdotes de jumelages à partager ?

► Les premières rencontres ont donné lieu à des moments cocasses comme cet allemand qui, habitué à coucher avec seulement une couette sur le lit a dormi à Chabanais sous le matelas.

► Lors de l’un des tous premiers échanges des jeunes à Giesen, il était prévu d’aller voir le « rideau de fer ». Malgré les consignes qui leurs avaient été données, plusieurs jeunes français inconscients fanfaronnaient en s’approchant sans écouter les appels des accompagnateurs. Ils ont été rattrapés sur la zone interdite par les gardes frontières de l’Ouest et ont eu droit à une sacrée remontée de bretelles.

► En août 1989 Giesen avait organisé, avec beaucoup de difficulté, une journée à Berlin-Est. Les participants ont été marqués par l’inquiétude du Président du jumelage de Giesen. Lorsque le bus a été de retour en RFA il a murmuré : Ende gut, alles gut » et son visage s’est détendu. Peut être craignait-il la désinvolture légendaire des français.

Au passage de la frontière l’ambiance dans le bus coté français était plutôt à la rigolage. Un VoPo est monté dans le bus contrôler les papiers, un français a pris en photo ce qui a déclenché une colère monstre du VoPo et une bordée de menaces, là les chabanois ont compris que l’on venait de changer de monde.

A la frontière au retour un miroir a été passé sous le bus pour voir si personne ne s’y était caché et quand le bus a redémarré nous avons fait de grands sourires et des gestes d’adieu aux deux VoPo qui nous surveillaient sans broncher. L’un deux a fait un discret signe d’adieu de la main en se cachant de son collègue.

Rien ne laissait présager que quelques mois plus tard le mur tomberait.

► Nous sommes retournés à Berlin en 1998, ce n’était que travaux de reconstruction. Des grues à perte de vue, tout était en chantier, les hôtels, les ambassades, les immeubles, la coupole du Bundestag était en construction. C’était très impressionnant. Nous sommes allés plusieurs fois depuis à Berlin et visité le Bundestag et l’Ambassade de France entre autre.

Lors de l’une de nos soirées à Berlin nous étions installés à une terrasse de bar au pied d’un immeuble et nous nous sommes mis à chanter chacun notre tour avec Giesen. Au fur et à mesure que la bière descendait les chants montaient, si bien que nous avons reçu un seau d’eau provenant des étages de l’immeuble et que nous avons été délogés par la Polizei qui, lorsqu’elle a vu à qui elle avait à faire a été plutôt clémente.

► En 1991 La Banda de Chabanais allait pour la première fois à Giesen. Elle a été invitée à venir jouer dans une usine de fabrication d’urnes funéraires par le directeur qui a arrêté l’usine pour permettre au personnel de venir écouter. Il a ensuite envoyé au comité de Chabanais une lettre de remerciement très élogieuse.

► En 2007 lors de la venue des adultes nous sommes allés à Bordeaux avec au retour un arrêt chez un viticulteur dans le Fronsac. Après la visite du vignoble, dégustation de vin accompagné de pain et charcuterie. Le viticulteur avait de belles commandes alors il était généreux. Le vin faisant son effet plus personne ne voulait repartir si bien que les chauffeurs des bus avaient dépassé l’amplitude de conduite et il a fallu téléphoner à l’autocariste pour qu’il renvoie deux autres chauffeurs pour nous ramener à Chabanais.

► En 2017 nous nous sommes rendus au cimetière allemand de Berneuil (à coté de Saintes en Charente-Maritime) où sont enterrés plus de 8 000 soldats allemands tombés dans le sud ouest de la France. Et là une personne de Giesen a découvert la tombe d’un parent dont il a la photo de mariage chez lui. Ce fut un moment très émouvant.

► A Giesen il y a une mine de potasse dont la production a été arrêtée il y a une trentaine d’année à cause de la concurrence de la potasse d’Europe de l’Est mais cette mine est entretenue et peu repartir à tout moment. Il y a un énorme projet de reprise de cette mine avec une très importante extension qui touche plusieurs communes. En 2014 nous avons été invités avec nos familles allemandes à une présentation du projet par les responsables de cette mine. L’ambiance était électrique et même si nous ne comprenions pas l’allemand nous avons bien saisis qu’il y avait dans la salle beaucoup de gens qui n’étaient pas d’accord avec le projet.

► Mais si ces rencontres ont permis des amitiés durables il y a eu aussi des mariages. En 2001 Marie-Pierre DUPOIRIER de Chabanais épouse Florian STEINBACH de Giesen. Ils ont fait les échanges de jeunes et ont ensuite été accompagnateurs. Ils habitent à Francfort avec leurs 3 enfants Amélie première « chaba-giesennoise » née en 2004 et les jumeaux Julie et Mathieu nés le 14 juillet 2009.

En 2016 Sara KEIENBURG de Giesen épouse Alexandre GIRAULT de Chabrac, ils se sont rencontrés lors des échanges de jeunes. Ils vivent à Giesen avec leur fille Emma née le 15 mars dernier.

► La différence de culture a entrainé bien des quiproquos dans les premières années, mais même encore aujourd’hui on a toujours droit à quelques anecdotes plus ou moins savoureuses comme ce jeune qui nous a dit que pendant le séjour il avait beaucoup travaillé la langue mais pas celle que l’on croit.

La place manque ici pour tout raconter en presque 50 ans de rencontres à Chabanais ou à Giesen.

  • Selon vous, qu’apporte le jumelage à votre commune ?

Nous avons vraiment l’impression que ce jumelage a donné une autre image de l’Allemagne et des allemands à une région profondément marquée par la guerre.

Le jumelage n’est pas une agence de voyage et même si dans les programmes il y a des visites touristiques, c’est dans l’intimité des familles qui accueillent que ce lient les plus belles  amitiés et la découverte de nos différences comme la cuisine, la manière d’aborder les repas, la ponctualité etc. Nous sommes une région rurale éloignée des grand centres, la participation au jumelage a permis à un grand nombre de gens, notamment les jeunes, de s’ouvrir à d’autres horizons à une époque ou internet n’existait pas.

Il y a forcement un impact commercial pour une petite ville comme Chabanais (1 900 habitants), difficile à mesurer certes, mais les familles qui reçoivent font des efforts, il y a beaucoup de repas chez les uns ou les autres, des cadeaux  et au moment du départ les soutes du bus sont pleines à ras bord de produits locaux.

  • Quels sont les prochains événements/actions organisés pour votre jumelage ?

Voici les grandes lignes de ce que nous avons prévus en 2021, auxquels pourront s’ajouter d’autres évènements en fonction des besoins ou des opportunités :

► En mars un week-end de travail des deux bureaux à mi-chemin, normalement à Nancy.

► En juillet entre 20 et 25 jeunes de Giesen viendront deux semaines à Chabanais. Ils seront hébergés dans des familles ayant un enfant sensiblement du même âge. Au programme il est prévu une journée au Futuroscope, 3 jours en auberge de jeunesse à Nantes et des animations tous les jours autour de Chabanais. Toutes ces activités sont faites par les jeunes allemands et français ensemble.

► En août un groupe d’adultes de Chabanais se rendra à Giesen durant une semaine, là aussi hébergés dans des familles.

► Le premier weekend d’octobre nous tiendrons un stand avec de la bière et des produits de Giesen lors des journées de la Quintinie à Chabanais. (Jean de la Quintinie, originaire de Chabanais, était le créateur des jardins potagers du château de Versailles)

► En décembre nous participerons au marché de Noël de Giesen avec des produits locaux.

► Nous organiserons aussi un loto en mai, un en septembre et un en décembre.

► En 2020 une délégation de pompiers de Giesen devait venir à Chabanais avec la visite du centre de commandement d’Angoulême et de l’école du feu de Jarnac, nous ne savons pas encore s’ils viendront en 2021.

► Enfin nous allons être en pleine préparation des festivités marquant le 50ème anniversaire de l’origine du jumelage prévues en aout 2022.

 

  • Contact : Comité de jumelage du canton de Chabanais et Giesen

NOM Prénom : NELIA Philippe

Fonction : Président

Email : sp.ailen@orange.fr

Site internet : Page Facebook Giesen-Chabanais